Les algues indésirables, pestes de l’aquarium.
S’il est tout à fait normal de voir se développer les algues dans
un aquarium en cours de maturation, il est plus désagréable de rencontrer
ce problème une fois que des coraux peuplent le bac.
Il existe bien évidemment toute une armée de détritivores qui vont
aider tant lors de la phase de démarrage qu’après, ainsi que des contrôles
à effectuer sur les paramètres. Nous allons tenter de faire ici un
résumé des principales causes de leur prolifération, des algues le
plus fréquemment rencontrées en aquariophilie et surtout des méthodes
d’éradication de celles-ci. Bien entendu, ce ne sera pas une liste
exhaustive et d’autres expériences réussies dans la lutte contre les
indésirables peuvent être rapportées.
Lors de la mise en eau d’un nouvel aquarium,
les algues arrivent avec les pierres vivantes. Que ce soit les Dinoflagellés,
les Diatomées, les Cyanobactéries ou les algues filamenteuses vertes,
elles se développent grâce à plusieurs facteurs cumulés : la
lumière, la disponibilité de nutriments (azote et phosphore), un
manque de consommateurs d’algues (escargots, bernard-l’hermite,
poissons herbivores, etc.) ou même le matériel inadapté au volume
du bac ou à sa population.

Plusieurs types d’algues avec une Dolabella et
un bernard-l’hermite au travail.
Si les algues se mettent à proliférer, il faut d’abord savoir à quelle
espèce on a affaire. En fonction de l’algue en présence, différentes
techniques seront à mettre en œuvre.
Les cyanophycées :

Cyanobactéries envahissant un Acropora.
Aussi appelée cyanobactéries,
elles se développent sous la forme d’un tapis visqueux composé de
filaments entrelacés. Les formes les plus fréquentes en aquariophilie
sont souvent rouges à brunes, voir noires. Elles envahissent tout,
du sable au décor en passant par les coraux qu’elles vont littéralement
étouffer. Un moyen pour les reconnaître : il se peut que le
matin ou lorsque l’éclairage s’allume, elles soient presque invisibles.
Au cours de la journée, le tapis s’épaissit et des bulles d’oxygène
apparaissent, résultat de la photosynthèse. A l’extinction des lampes,
les cyanobactéries recouvrent le sable ou le décor d’un beau rouge
perlé de bulles.
Elles profitent de l’abondance d’éléments nutritifs comme les nitrates
et/ou les phosphates, d’un manque de brassage et de détritivores.
En milieu naturel, on retrouve des explosions de cyanophycées là où
la pollution organique est élevée. On peut donc imaginer que si ces
algues apparaissent dans l’aquarium, cela dénote une mauvaise qualité
de l’eau.
Quelques solutions :
- dans un premier temps, il faudra tester les nitrates et les phosphates.
- Vérifier que l’écumeur est adapté au volume du bac ainsi qu’à la
population piscicole car le manque d’écumage est l’une des premières
causes de l’accumulation de ces nutriments.
- Adapter le brassage afin d’éviter les zones « mortes »
où l’eau stagne
- Réduire la quantité de nourriture distribuée, et bien rincer la
nourriture congelée.
- Siphonner régulièrement les cyanobactéries.
- Utiliser de l’eau osmosée
- Introduire de nouveaux détritivores : escargots ou bernard-l’hermite
- Voir à ajouter un poisson chirurgien si le volume du bac le permet.
Les Diatomées :

Diatomées formant un tapis brun
sur le sable et les pierres vivantes.
Ce sont des algues siliceuses unicellulaires qui forment un voile
visqueux brun sur le sable, les vitres ou le décor.
Quelques solutions :
- Vérifier les paramètres de l’eau
- Adapter le matériel aux besoins de l’aquarium : écumeur performant,
brassage et éclairage suffisants, etc.
- Siphonner un maximum les tapis d’algues
- Il faut absolument utiliser de l’eau osmosée car l’eau de conduite
contient notamment des silicates nécessaire à l’élaboration de la
carapace externe de ces algues.
- Avoir une bonne population d’escargots herbivores qui les consomment.
Les Dinoflagellés :

Dinoflagellés sur la vitre
Les Dinoflagellés, ou Dinophycées,
sont des algues unicellulaires possédant deux flagelles qui leur
permettent de nager en pleine eau. Elles possèdent des pigments
colorés brun-jaune, verts ou bleus. Leur prolifération se fait sous
la forme d’un tapis parfois incolore ou brun retenant des bulles
d’oxygène, mais également en suspension dans l’eau. L’aquariophile
qui siphonne les tapis de Dinoflagellés peut retrouver le décor
ou les vitres à nouveau envahis une heure à peine après l’opération
de nettoyage !
Ils font ainsi partie du phytoplancton.
Les zooxanthelles, ces algues symbiotiques des tissus des coraux,
font également partie des Dinoflagellés mais ne représentent pas vraiment
un risque pour l’aquarium.
D’autres par contre sont des parasites des poissons. L’Oodinium par
exemple ne présente les caractéristiques des Dinoflagellés que dans
sa phase libre en pleine eau.
Quelques solutions :
- Vérifier les paramètres de l’eau
- Utiliser une filtration mécanique (Perlon ou mousse) durant un temps
en prenant soin de les changer régulièrement (tous les deux ou trois
jours en fonction de la quantité d’algues)
- Adapter l’écumage et le brassage à la population du bac
- L’utilisation d’un filtre UV peut s’avérer utile
- L’utilisation d’eau de chaux pour amener le pH à 8.4 permettrait,
d’après Peter Wilkens, d’éliminer ces algues totalement en quelques
jours.
Derbesia :

Derbesia peut envahir les coraux.
Derbesia est l’une des algues filamenteuses les plus communes. Elle
forme des touffes de fins filaments, comparables à des cheveux.
Elle apparaît le plus souvent en phase de démarrage.
Les sédiments s’accumulent facilement dans les touffes d’algues filamenteuses
et en se décomposant ils fournissent les nutriments nécessaires à
leur croissance. Les bulles d’oxygènes sont produites par la photosynthèse.
Quelques solutions :
- Tester les paramètres de l’eau : nitrates et phosphates.
- S’assurer que le matériel (écumage, brassage) est adapté au volume
du bac
- Arracher régulièrement à la main les plus grandes touffes d’algues
- Introduire une population d’herbivores comme les escargots et/ou
les bernard-l’hermite qui viennent à bout des jeunes pousses.
- En fonction du volume de l’aquarium, introduire un poisson herbivore
comme les chirurgiens
- Les oursins comme les Mespilla globulus ou Tripneustes
gratilla sont d’excellents associés face aux algues filamenteuses.
- Dolabella auricularia, aussi appelée « lièvre de mer »
est souvent introduit dans le but d’éliminer les algues filamenteuses. Sa taille
(jusqu’à 50cm pour certaines espèces) peut cependant devenir un problème lorsque
le bac est peuplé de coraux non encore fixés (boutures par exemple). Sa maintenance
à long terme est variable en fonction de ce qu’elle trouve à manger.
Elle ne broute pas les hautes algues, il faudra donc l’aider avec
un arrachage régulier.
Les Bryopsis :

Bryopsis est capable de se développer
rapidement sur les pierres et les coraux.

La Bryopsis est réellement envahissante et l'arrachage manuel est de
rigueur
Cette algue est assez facilement reconnaissable par sa forme en fine
« plume » et ses reflets bleutés.
Lorsque l’aquariophile voit apparaître une touffe de Bryopsis, il
faut impérativement qu’il agisse rapidement sous peine de voir le
décor et les coraux complètement envahis. Cette algue est une vraie
peste et est difficile à éradiquer. Les poissons rechignent à la brouter
car trop coriace et les autres herbivores (escargots et bernard-l’hermite)
ne semblent pas s’y intéresser, d’où la prise de tête pour s’en débarrasser !
Quelques solutions :
- Contrôler les paramètres de l’eau
- Adapter le matériel au volume du bac et à la population
- Arracher manuellement un maximum de touffes
- Introduire une limace, Tridachia crispata, dont le régime
alimentaire est basé sur la consommation de Bryopsis. Attention que
ces limaces ont tendance à se laisser prendre dans les pompes de brassage
qu’il faudra protéger d’une crépine.
Il vaut mieux arracher régulièrement les algues car les Tridachia semblent
préférer les jeunes pousses.
- Eventuellement, en cas de forte invasion, les pierres vivantes seront
retirées et brossées afin d’éliminer un maximum les touffes.
- En dernier recours, les pierres vivantes doivent être retirées du
bac et remplacées par de nouvelles.
Les Valonia sp.

Les
algues bulles peuvent très vite envahir un bac, et devenir très
grosses !
Communément appelées « algues-bulles », elles ont comme
leur nom l’indique, une forme sphérique.
Chaque bulle contient des milliers de petites bulles qui iront coloniser
le décor lorsque la paroi de l’algue se déchirera. C’est pourquoi
il faut, dès leur apparition, tenter de les éliminer en douceur.
Elles sont capables de pousser au pied d’un corail et de le coloniser
en le faisant mourir petit à petit en repoussant ses tissus.
Peu de poissons y goûtent (il m’a été rapporté que Z. xanthurum pouvait
s’en délecter) et les escargots ou bernard-l’hermite n’y touchent
pas.
Quelques solutions :
- Arrachage à l’aide d’une pince afin de bien la saisir sans la percer.
- Introduction d’un crabe Mithrax sculpus, connu pour s’y
attaquer. Cependant, beaucoup d’aquariophiles rapportent un manque
d’efficacité de ce crabe qui peut même parfois s’en prendre aux coraux.
Quelques exemples d’herbivores :
Les escargots :
la plupart des magasins aquariophiles ainsi que des sites internet
proposant la vente par correspondance disposent de plusieurs espèces
d’escargots herbivores : Astraea, Trochus, Turbos, Euplicas,
Stomatella varia, Cérithidés, Néritidés, etc. Tous sont de bons
régulateurs d’algues du type cyanophycées ou diatomées et peuvent
contribuer au broutage des jeunes pousses d’algues filamenteuses.

Astraea

Stomatella

Turbo
Les bernard-l’hermite :
les espèces les plus petites seront favorisées car elles représentent
moins de risque pour les petits poissons ou les escargots, qu’ils
tuent pour s’approprier la coquille ou pour se nourrir. Les bernard-l’hermite
à pattes rouges (Paguristes cadenati) ou bleues (Clibanarius tricolor)
ne dépassent pas 3cm.
Ils s’attaquent aux cyanobactéries, diatomées ainsi qu’aux algues
filamenteuses et sont de bons détritivores.

Bernard-l’hermite
Les oursins : les espèces les
plus adéquates de par leur relative petite taille sont Mespilla
globulus et Tripneustes gratilla. Ils sont efficaces
pour la lutte contre les algues filamenteuses, mais risquent de mourir
de faim une fois qu’il n’y aura plus d’algues. Ils ont également tendance
à brouter les coralines roses sur les pierres vivantes, et parfois
les crépines des pompes de brassage. Il ne leur faut pas un brassage
trop direct car ils n’apprécient pas du tout ça. Les algues poussant
aux endroits fortement brassés seront donc probablement délaissées.

Mespilla globulus
Les limaces : Tridachia
crispata est une des seules à s’attaquer aux Bryopsis. Son
efficacité est cependant souvent remise en cause et bien souvent,
l’animal meurt broyé par une pompe de brassage avant d’avoir pu
éliminer les algues.
Dolabella auricularia peut être introduite pour éradiquer
les algues filamenteuses, mais dans un bac dont le volume est assez
grand pour qu’elle trouve de quoi manger, et où elle ne risque pas
de tout faire tomber.

Dolabella auricularia
Les poissons : les plus efficaces
sont les poissons chirurgiens. Les espèces du genre Zebrasoma restent
relativement petites et sont faciles à se procurer. Le plus commun
est le Z. flavescens mais Z. desjardinii, Z. scopas, Z. xanthurum
sont d’excellents herbivores au caractère souvent belliqueux. A introduire
donc en dernier si possible.
La famille Ctenochaetus est aussi spécialiste dans le broutage
des algues. C. striatus et C. hawaiiensis étant les plus connus. Ils
passent leur temps à brouter le décor ou les vitres à la recherche
d’algues.
Tant Zebrasoma que Ctenochaetus sont des espèces
de poissons qui nécessitent un volume d’eau supérieur à 300 litres
(au minimum).
Les autres poissons chirurgiens comme Acanthurus ou Paracanthurus nécessitent
un plus grand volume encore (plus de 600 litres).

A
gauche : Ctenochaetus binotatus ;
au milieu : Zebrasoma xanthurum ; à droite : Paracanthurus
hepatus.
Salarias fasciatus, une blennie herbivore, est une mangeuse
d’algues filamenteuses. Son régime alimentaire parfois exclusif est
en fait un problème. En effet, lorsque les algues viennent à manquer,
si elle ne se nourrit pas des aliments distribués aux autres poissons,
elle finira par mourir de faim.
La famille des poissons-anges nains est également herbivore. Mais
le Centropyge peut également s’en prendre aux tissus des
coraux, aux Zoanthidés voir aux bivalves. Certains individus ne goûteront
jamais aux coraux alors que d’autres pourront changer leur comportement
alimentaire après plusieurs années dans l’aquarium.
Il existe dans le commerce des produits
destinés à contrôler et à éradiquer les algues du genre Cyanobactéries.
Il faut savoir qu’ils éliminent également les « bonnes bactéries » indispensables
au cycle de l’azote et donc à l’épuration biologique de l’aquarium.
Ces produits sont à n’utiliser que si le cas du bac est désespéré,
une fois que toutes les causes auront été vérifiées et les solutions
« naturelles » employées, et encore, avec précaution. Autant
dire qu’ils sont à éviter ???
En résumé :
L’apparition des algues indésirables dans un aquarium dénote une
dérive des paramètres ou une installation mal conçue.
Il faut veiller à monter un aquarium avec du matériel adapté au volume
et à la population souhaitée. L’écumage et le brassage sont les deux
points à particulièrement vérifier.
Une bonne équipe de détritivores et herbivores devraient sans soucis
venir à bout des premières algues de la phase de démarrage.
L’utilisation d’eau osmosée est indispensable pour éviter l’apport
extérieur de nutriments.
Il vaut mieux suspendre l’ajout de produits tels les oligoéléments
ou vitamines qui dopent la prolifération algale. De même, les changements
d’eau peuvent apporter les éléments consommés par les algues comme
les cyanobactéries. Mieux vaut dès lors s’abstenir de cette opération
tant que les algues sont présentes.
Attention au réglage des appareils comme le Réacteur à Calcaire.
L’apport de CO2 dans le bac via celui-ci est une source du développement
des algues. Il faudra s’assurer qu’il n’y a pas de rejet de CO2 en
réglant correctement le réacteur et éventuellement en ajoutant une
colonne de dégazage.
Avec tout ça, vous devriez pouvoir éviter ou combattre au mieux ces
algues.
Textes et images : Christal Theate
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